Introduction

Il existe des studios qui, décidément, ne veulent rien faire comme les autres. Après tout, si il est bon de se différencier de la concurrence pour sortir du lot, certains poussent cette philosophie à des extrêmes qui forcent le respect. Et quand en plus, le résultat est très bon, ça donne encore plus envie de se plonger dans leur ludographie.

Dans cette catégorie, difficile de ne pas parler des petits rigolos de chez Shiny Entertainment : le studio américain fondé par David Perry en 1993 va tout de suite montrer son talent au travers des jeux de plateforme Earthworm Jim connus pour la qualité de l’animation du personnage et pour son univers délirant détonnant complètement avec ce qui se faisait à l’époque (même si David Perry s’était déjà démarqué avec d’autres titres comme Global Gladiators ou Cool Spot), mais aussi pour la prouesse technique que représentait un jeu aussi abouti graphiquement à son époque. C’est cette volonté de pousser encore plus loin les limites des supports de l’époque qui mènera à la sortie de MDK en 1997, un titre mettant à genoux les configurations des ordinateurs sur lesquels il tournait, et qui représentait une évolution technique majeure pour son temps.

Et bien entendu, Shiny Entertainement n’allait pas s’arrêter là, non non non. Il fallait voir plus grand, plus ambitieux. Sortir un titre certes extrêmement poussé graphiquement, mais qui en plus allait se payer le luxe de dynamiter façon bombe atomique le genre du jeu de tir à la troisième personne qui commençait tout doucement à se reposer sur ses lauriers, tout en gardant la patte artistique si délirante qui fait le charme des productions du studio. Bon, et si par dessus le marché, on peut produire en parallèle un titre remplissant également ces conditions, mais avec le genre de la stratégie en temps réel, c’est encore mieux, hein ?

Nettoyage Céleste

Messiah est un jeu de tir à la troisième personne sorti en 2000 sur PC uniquement, et est développé par Shiny Entertainment sous la houlette de l’éditeur Interplay, qui s’occupera également de l’édition du second jeu du studio sorti en 2000, le monumental Sacrifice, un titre dont je ne cesserai jamais de chanter les louanges. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeu fait déjà parler de lui avant même sa sortie, puisque des journaux américains comme le Los Angeles Times, ainsi que plusieurs organisations chrétiennes conservatrices vont publiquement attaquer le jeu, notamment du fait de son nom. Une publicité indirecte dont David Perry va s’emparer pour continuer à promouvoir Messiah, mais qui se révélera à double tranchant puisque la presse spécialisée américaine critiquera ouvertement le jeu pour son aspect irrévérencieux avant même sa sortie, ce qui impactera sa réception critique sur le moment.

Mais du coup, en quoi ça consiste, Messiah ? Et bien, dans un futur lointain, la terre est gouvernée par un dictateur mondial appelé le Père Prime. Le monde est devenu une dystopie futuriste que n’aurait pas reniée les univers de Robocop ou de Judge Dredd, et le Père Prime mène des expériences particulièrement douteuses sur une base spatiale située sur la face cachée de la Lune. Bien évidemment, tout ce bazar n’est pas vraiment du goût de Dieu, et le bien-nommé Saint Père commence à s’agacer de voir ses créations se détourner du droit chemin, d’autant plus que Satan en personne semble tirer les ficelles dans toute cette histoire. Afin de mettre un peu d’ordre dans tout ça, Dieu prend une mesure extrême : envoyer un de ses agents sur Terre afin de contrecarrer les plans du père Prime et par extension de Satan. Et qui de mieux pour assurer cette mission que le grand, le Puissant, le MAGNIFIQUE !!

Bob. Oui, Bob, c’est ainsi que s’appelle le personnage incarné par le joueur, balancé des cieux sur terre telle une météorite divine venant s’écraser sur Terre à la façon d’une capsule contenant bébé Superman ou Sangoku. Bob est un angelot, un chérubin, ou pour utiliser le terme exact, un Putto, représentation de l’amour dans la peinture italienne (imaginez la représentation dans la pop culture de Cupidon), et il est bien embêté, car sous cette forme, ce dernier est très vulnérable, et pour ne rien arranger, sa présence sera très vite signalée, et la police et l’armée feront tout pour le détruire. Mais Bob n’est pour autant pas sans défense, puisqu’il possède le pouvoir de posséder les gens, de leur faire voir la lumière divine de Dieu et d’ainsi les contrôler afin de progresser dans les différents niveaux du jeu. Vous l’aurez compris, Messiah est un titre qui va nécessiter une certaine quantité de réflexion, Bob devant passer d’un corps à l’autre pour se débarrasser des ennemis ou passer certains passages réservés à des personnes en particulier. De ce fait, Messiah ne ressemble à rien qui ait pu être fait auparavant, une prouesse d’autant plus remarquable quand on voit à quel point le titre est de qualité, tant sur le fond que sur la forme.

Graphiquement Divin

Premier constat : pour un titre sorti en 2000, Messiah est beau. Mais genre, vraiment très beau. Les modèles 3D sont détaillés, les environnements bardés de détails, et en plus, c’est d’une fluidité irréprochable, grâce à l’utilisation de la Motion Capture, permettant une grande variété de mouvements. Les modèles 3D sont justement plutôt variés, avec pléthore de personnages, d’armes et d’effets visuels, qui feraient presque oublier que le jeu a été réalisé par une équipe de 10 personnes. Sans rentrer dans les détails techniques, Messiah exploite plusieurs technologies très avant-gardistes pour l’époque, ce qui donne au jeu un cachet inégalé lors de sa sortie. La caméra est un peu capricieuse, mais c’était le cas de la majorité des titres en 3D sortis à ce moment-là, mais elle ne met jamais le joueur en difficulté pour autant.

Sur le fond, c’est du tout bon, mais sur la forme, Messiah accumule aussi les bons points : outre la direction artistique très bien pensée (bien qu’elle soit laissée à l’appréciation de chacun, c’est le genre de domaine qui reste très subjectif), le jeu bénéficie d’une très bonne bande-son, composée par nul autre que Jesper Kyd, compositeur légendaire de l’industrie. Mais il y a un point sur lequel Messiah excelle, c’est son doublage français : Les répliques sont variées, et parfaitement dans le ton un peu décalé du jeu, ce qui rend l’expérience d’autant plus agréable, et j’en viens à regretter que Sacrifice n’ait pas bénéficié du même traitement, le jeu n’ayant même pas eu de voix française. Par contre, il y a un point noir majeur à mentionner : le jeu est très court, et se boucle en environ trois heures. C’est court, très court même, mais le jeu est plutôt intense et ne laisse aucun temps mort, ce qui rend l’expérience très intéressante.

Conclusion

La presse française ne s’est pas beaucoup intéressée à Messiah [ NDLR : Il y a eu des tests chez Joystick, Generation 4 et PC Team], et la seule trace que l’on retrouve sur le net est le test réalisé par JeuxVideo.com lors de la sortie du jeu, gratifiant ce dernier d’un 17/20 bien mérité. D’ailleurs, il est intéressant de voir une certaine disparité entre les tests de la presse européenne et les tests issus de la presse américaine. A croire que la panique morale déclenchée par certains journaux et groupes d’opinion américains ont poussé à plus de sévérité dans les tests outre-Atlantique. Petite anecdote, un des sons du jeu que l’on entend régulièrement, un espèce de “Oof” a pendant très longtemps été un son emblématique du jeu communautaire Roblox, du moins jusqu’à ce que Tommy Tallarico, propriétaire de la banque sonore de Messiah et compositeur célèbre (et controversé) dans l’industrie du jeu vidéo ne demande son retrait.

En ce qui me concerne, je décerne aisément à Messiah son abandonware d’or, et même aujourd’hui, le titre de Shiny Entertainment mérite d’être joué, bien que je le recommande moins que Sacrifice, et que la version française ne soit plus disponible nulle part que via les versions physiques de l’époque, ce qui est vraiment dommage quand on voit la qualité de cette dernière.

Whitecoal (Jeu, commentaire, screenshots)

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